

En 2024 , son auto-encadrement performatif "Oeuf " marque un tournant dans sa carrière. En s'attachant nue devant la Joconde au Louvre, son œuvre révèle l'ironie d'une institution censée produire un imaginaire collectif paritaire, mais qui ne montre que des corps féminins omniprésents et uniquement représentés par la vision et le pinceau des hommes. Cette action lui vaut une interdiction formelle de vivre à Paris et de performer sur le territoire français. Exilée à New York, elle poursuit sa carrière artistique en dehors du cadre de la négociation patriarcale en exposant ses œuvres par le moyen de son concept corps/cadre .
In 2024, her performative self-framing piece "Oeuf" marked a turning point in her career.
By tying herself naked in front of the Mona Lisa at the Louvre, her work exposed the irony of an institution supposedly fostering a collective and egalitarian artistic imagination—yet one that predominantly displays female bodies represented solely through the male gaze and brushstrokes. This act led to a formal ban preventing her from living in Paris or performing in France. Exiled to New York, she continued her artistic career outside the framework of patriarchal negotiation, exhibiting her work through her body/frame concept.
Extrait de l'interview ave Eduardo Perez Viloria dans la revue Argument numéro10, octobre 2024
"Qu'est ce qui vous a motivé à utiliser l'art performatif comme outil de militance politique et sociale ?"
" Déja pour moi tout ce qui est conceptuel est compliqué, alors là, c'est conceptuel et donc compliqué ! Pour essayer de dire quelque chose à ce propos, je dirais que je n'ai aucune motivation de cet ordre ! Aucune motivation ne me pousse dans le sens de : " ah, j'ai envie de militer aujourd'hui, donc je vais faire de l'art"
Ma démarche est en réalité tout à fait contraire: d'abord, je fais de l'art, et ensuite celui-ci devient sujet à politisation. Mon point de départ n'est jamais militant, il est artistique !
A la base je ne me considère d'ailleurs même pas comme une artiste sociale et politique, je suis une " artiste artiste ", ou une artiste point. Cette ambiguité dans la manière de me considérer comme artiste engagée vient de mon utilisation du réel comme décor et de mon corps comme matériau."


" Avez-vous été confrontée à la censure ou au rejet en raison du contenu politique de vos performances ? Et comment avez-vous géré cela ? "
"Dès que je suis un peu nue ou que je me confronte au pouvoir, la censure rapplique évidemment, mais il s'agit avant tout d'une politique d'autocensure, et c'est contre cette censure là essentiellement que je dois lutter. Comment j'y arrive ? En me mettant en mode robot, je ne réfléchis pas et je fonce. Je me fixe des dates pour accomplir des performances, j'appelle ma photographe et ma vidéaste, je planifie tout, je lance des invitations afin de m'engager auprès d'un public et de m'obliger vis à vis de celui-ci. Au dernier moment, même si j'ai très peur, comme j'ai tout enclenché, il faut y aller, je n'ai pas le choix !
Par ailleurs , dans une démocratie libérale, on pourrait se dire qu'il n'y a aucune censure, mais c'est beaucoup plus insidieux, car cela se fait par invisibilisation des oeuvres et des artistes, parfois mêmes par les institutions culturelles elles-mêmes. Il faut se battre contre tout ça aussi, rendre visible l'invisible, dire que tu fais de l'art alorsque ce n'est pas la place que la société avait préparé pour toi.
C'est pour cela qu'au lieu d'attendrequ'on vienne me chercher pour une salle, une expo, un lieu officiel, ou je ne sais quoi, je me mets dans la créationet simplement... je bosse !"
" Qu'elle stratégie utilisez-vous pour maintenir la pertinence et l'efficacité de vos performances dans des contextes sociaux et politiques changeants ?"
" En fait ma stratégie ce n'est surtout pas de stratégie ! Je reste sur mon déroulé artistique, en partant de mon étude originelle à l'huile jusqu'au moment où je fais usage de mon corps dans le réel. Il n'y a pas de méthode définie à l'avance hormis celle-ci : une fidélité à l'oeuvre dans son développement personnel.
Puisqu'il n'y a pas de stratégie, il n'y a pas non plus d'anticipation particulière quant aux contextes sociaux et politiques changeants. C'est parce que je me fiche de tout ce qui se passe que , quand cela interagit, ça explose ! Des élections, des problèmes de migrants, un climat politique et social plus ou moins tendu, n'importe quoi, tout cela ne peut que rentrer en résonnance avec l'actu.
J'impose une performance qui a mis 4 ans pour aboutir à cette date précise, à cette heure précise, en ce lieu précis. C'est un accouchement... personne ne l'arrête. Qu'il pleuve, qu'il vente, on ne dit pas à l'enfant à naître : " Ah ! non demain, parce que les conditions ne sont pas idéales." Il n'y a pas le choix, c'est la " pouf " c'est le bon moment et c'est tout!


"Comment votre engagement envers les causes socialeset politiques, à travers l'art vous a-t-il changé personnellement ?"
" Ce qui m'a changé, c'est d'abord de " faire " de plonger la tête la premiere dans mon art en l'exerçant ! A partir de là, le fait d'être confrontée à des questions du réel en tant que matériau m'oblige à réfléchir à des problématiques sociales et politiques qui ne se seraient jamais proposées à moi avec une telle urgence. Ce travail je le mène à travers des podcasts pour des auditeurs, mais ce sont en réalité des problématiques que je cherche à résoudre ou au moins à poser pour moi-même.
C'est ce travail là en priorité qui change ma vision du réel et l'enrichit absoluement !
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